Par CLAIRE HERARD
FINANCES

On peut assurer bien des choses : son chat, le solde de sa carte de crédit, sa dentition, ses paiements hypothécaires. Mais devant le vaste éventail de protections offertes, ce n’est pas toujours simple d’évaluer leur pertinence. L’assurance titre est loin de faire exception.

 

Vous ne savez pas de quoi il s’agit ? C’est normal. Ce type d’assurance est l’un des plus méconnus au Québec.

En gros, l’assurance titre protège les propriétaires immobiliers contre les problèmes… de titre. Ce document officiel certifie que votre maison vous appartient bel et bien et décrit les lieux. À première vue, ça peut sembler bizarre d’assurer le contenu d’un document, j’en conviens. Mais ce type de police protège contre une foule de situations qui peuvent coûter cher.

« Au fil des ans, il y a eu beaucoup de légendes urbaines concernant ce que l’assurance titre couvre ou pas. Il y a eu de l’incompréhension. Certains notaires refusent d’utiliser ce produit. C’est encore mécompris, mais il y a une progression », explique Brigitte Lemieux-Beauchesne, notaire et vice-présidente responsable de la souscription nationale à la Compagnie d’assurance titres Chicago, spécialiste du domaine.

Selon le cabinet de courtage ABRI, seulement 4 % des propriétaires immobiliers du Québec ont acheté une assurance titre pour se protéger, contre 92 % ailleurs en Amérique du Nord. Un écart énorme qui s’explique surtout par le travail des notaires, une profession absente ailleurs au pays et aux États-Unis.

Il existe divers types de polices, mais la plus courante est celle que le propriétaire peut se procurer au moment de l’achat de l’immeuble, précise l’AMF.

Ce produit est « complémentaire » au travail des notaires puisqu’il couvre « de nombreux aspects qui ne font pas partie de leur processus de vérification habituel », telle l’obtention de permis avant les travaux, fait valoir le courtier J. Gérard Fortin & Associés, qui vend de l’assurance titre depuis janvier.

De fait, si vous apprenez que l’ex-propriétaire de votre maison s’est fait construire une rallonge ou une terrasse qui ne respecte pas le règlement municipal, vous pourriez faire une réclamation à l’assureur pour couvrir vos frais juridiques ou de démolition et reconstruction. Il en va de même pour les litiges avec les voisins concernant l’empiétement, les servitudes ou les droits acquis.

« Mais un des plus gros problèmes, c’est le vol d’identité et les fraudes. Personne n’est à l’abri, dit le vice-président de J. Gérard Fortin & Associés, Vincent Fortin. Juste pour cette couverture, ça vaut la peine. » Typiquement, les escrocs usurpent l’identité de personnes dont la propriété est libre d’hypothèque, ou presque libre, la refinancent et se poussent avec la somme obtenue de la banque.

Des maisons ont même été vendues à l’insu de leur propriétaire, une situation qui touche particulièrement les personnes âgées qui passent l’hiver dans le Sud, indique le courtier Louis Cyr, surnommé l’homme fort de l’assurance. « La fraude, c’est la plus grande cause de réclamations », dit celui qui vend de l’assurance titre depuis 2019.

La Compagnie d’assurance titres Chicago constate actuellement une recrudescence des hypothèques frauduleuses en Ontario. Le Québec serait épargné, selon la Chambre des notaires, puisque ses membres « viennent bloquer beaucoup de possibilités de fraudes », indique sa présidente, Hélène Potvin. Des propos qui font sursauter Louis Cyr. « On a le même taux de fraude au Québec qu’en Ontario. Des bandits, il y en a partout et le stratagème fonctionne partout. »

L’assurance titre, achetée par l’entremise d’un notaire en même temps qu’une maison neuve, s’avère également une protection contre les hypothèques légales de la construction, quand l’entrepreneur n’a pas assumé ses responsabilités financières. « Le notaire ne peut certifier que toutes les factures des sous-traitants ont été payées. Il n’a aucune façon de le faire », dit Brigitte Lemieux-Beauchesne.

À l’émission de Radio-Canada La facture, en 2018, l’ex-président de la Chambre des notaires François Bibeau expliquait que ses membres n’étaient pas mandatés pour faire ce type de vérification. Il réagissait à l’histoire de propriétaires forcés de payer leur maison deux fois en raison d’une pile d’hypothèques légales.

Le plus inquiétant, c’est que le reportage montrait les actes de vente fournis à ces malheureux propriétaires. On pouvait y lire noir sur blanc que « tous les architectes, entrepreneurs, sous-entrepreneurs, fournisseurs de matériaux et ouvriers ont été payés en entier lors de l’érection des bâtisses ».

CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE DU REPORTAGE DE LA FACTURE, RADIO-CANADA

Des propriétaires immobiliers ont reçu des avis d’hypothèque légale malgré les informations fournies par leur notaire, apprend-on dans un épisode de La facture de Radio-Canada.

À la Chambre des notaires, même si on dénonce l’hypothèque légale depuis longtemps, on ne recommande pas pour autant de souscrire automatiquement une assurance titre.

« C’est limité. Il faut faire attention, car il y a beaucoup d’exclusions », souligne Hélène Potvin. Pour prendre une décision éclairée, elle suggère aux consommateurs de discuter avec un notaire.

Mais certains professionnels expriment des réticences face à ce produit venu des États-Unis. C’est le cas de Pierre Péladeau, pour qui l’assurance titre est carrément « inutile du fait des obligations de vérifications » qui lui incombent. Lors de l’achat d’une maison neuve, donne-t-il comme exemple, il préfère protéger ses clients en retenant une partie du paiement dû à l’entrepreneur pendant un certain temps.

Or, au cours de sa carrière, Louis Cyr a pu constater que les notaires font des erreurs comme tout le monde. Et qu’il est extrêmement difficile et coûteux pour un consommateur d’avoir gain de cause après avoir porté plainte à la Chambre des notaires.

Contrairement à l’assurance habitation, l’assurance titre n’est payable qu’une seule fois et demeure valide tant qu’on est propriétaire. Il n’y a pas de franchise lors d’une réclamation.

Assurer une maison neuve de 500 000 $ coûte environ 400 $. Il faut alors passer par un notaire et celui-ci ne peut recevoir de commission. Il peut toutefois facturer des honoraires pour la recherche et la gestion. Les propriétaires de maisons « existantes » paieront autour de 300 $ en passant par un courtier.

Selon l’Association des compagnies d’assurance hypothécaire et titres du Canada (ACAHTC), l’assurance titres est passée en 15 ans d’« un produit d’assurance obscur à un produit standard ». Mais au Québec, il est encore dans l’ombre, si bien que les données probantes pour en étayer l’efficacité, malheureusement, manquent.

 

SOURCE: https://www.lapresse.ca/affaires/chroniques/2022-03-13/lumiere-sur-une-assurance-obscure.php

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