Par CLAIRE HERARD
ACHAT DE MAISON

L’année 2022 sera encore difficile pour les acheteurs dans le secteur de l’immobilier résidentiel, mais des signes d’un ralentissement de la croissance des prix pointent à l’horizon et laissent entrevoir un marché moins tendu d’ici 2023.

Le signal le plus évident est celui de la hausse du taux directeur de la ­Banque du ­Canada. Le gouverneur de l’institution, ­Tiff ­Macklem, a annoncé en début d’année la fin de l’« engagement exceptionnel à maintenir le taux directeur à sa valeur plancher », en plus d’ajouter qu’il serait « nécessaire d’augmenter les taux d’intérêt », notamment en raison de la forte inflation, de la vigueur du marché de l’emploi et de la croissance du ­PIB canadien. Les estimations actuelles font passer le taux directeur de 0,25 % à 1,75 % ou 2 % à la fin de 2023.

Les experts interpellés par Les ­Affaires sont unanimes : une telle montée des taux hypothécaires aura une incidence notable sur le nombre d’acheteurs sur le marché. « ­Le bassin a ses limites, et une hausse de taux va provoquer une rétractation du nombre d’acheteurs sur le marché, avance le directeur du ­Service de l’analyse de marché de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du ­Québec (APCIQ), ­Charles ­Brant. Ajouter 2 % au taux d’un prêt hypothécaire de 500 000 $, c’est beaucoup d’argent, et moins de ménages vont se qualifier. » ­La hausse des paiements mensuels serait en effet de 527 $ par mois.

Les prévisions de la ­Banque ­Nationale pour le taux directeur, émises à la ­mi-janvier, faisaient état de cinq hausses à partir de mars. Lors de l’événement ­Fenêtre sur le marché immobilier, présenté en décembre, le directeur général et chef économiste adjoint à la ­Banque ­Nationale ­Marchés financiers, ­Matthieu ­Arseneau, indiquait que la projection pour le taux hypothécaire fixe 5 ans passerait de 2,59 % (décembre 2021) à 2,77 % pour 2022, à 3,17 % pour 2023 et à 3,11 % pour 2024. Il remarquait alors que le taux anticipé pour 2023 était identique à celui observé avant la pandémie, en 2018.

Cette hausse prévue des taux hypothécaires doit être envisagée positivement. Jumelée à une croissance plus modérée des salaires, une normalisation de l’épargne et l’augmentation du service de la dette des ménages, elle va calmer le marché et modérer les surenchères, précise ­Charles ­Brant.

Selon l’APCIQ, le nombre de transactions devrait diminuer de 12 % en 2022, pour revenir au même point qu’avant la pandémie, en 2019. Le prix médian des unifamiliales ne devrait grimper que de 3 %, loin du 23 % de 2021 et du 13 % de 2020.

 

Pandémie et retour sur le marché

Un autre facteur devrait venir améliorer les conditions de marché cette année : la fin anticipée de la pandémie. La ­COVID-19 a retardé les plans de vente de propriété de nombreux ménages et, si le ­Québec réussit à se débarrasser des vagues successives du virus, plusieurs pourraient être tentés de passer à l’action.

« ­Oui, il y a des gens qui ont décidé de ne pas mettre leur maison à vendre à cause de la pandémie, explique la ­vice-présidente et chef des opérations au ­Groupe ­Sutton ­Québec, ­Julie ­Gaucher. Le taux de transmission du virus était très élevé et ils ne voulaient pas laisser entrer des visiteurs, des étrangers à l’intérieur de leur propriété. »

Dans le même ordre d’idées, plusieurs ­baby-boomers ont retardé leur déménagement vers une résidence pour personnes âgées (RPA), ayant le virus en tête, ­ajoute-t-elle.

Matthieu ­Arseneau parle lui aussi d’« offre refoulée » et pense que le nombre de propriétés à vendre dans la province va grimper avec le retour des ­baby-boomers sur le marché en 2022, eux qui devraient se diriger vers l’achat d’une copropriété ou encore vers une place en ­RPA ou en centre d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD).

 

Accalmie importante

Matthieu ­Arseneau prévoit que les prix continueront de monter jusqu’à la ­mi-année. Passé ce point, il devrait y avoir une accalmie importante  sur le marché et une stagnation du montant payé pour faire l’acquisition d’une propriété.

« D’ici 2023, le marché sera beaucoup plus typique, ­croit-il. Les mises en chantier demeureront soutenues, car il reste toujours une grande volonté d’investir dans le marché immobilier, ce qui devrait aider pour l’inventaire de propriétés. Je m’attends à ce que le marché desserre en deuxième moitié de 2022. »

Cette relative détente du marché devrait donner des occasions qui n’étaient pas offertes aux acheteurs depuis deux ans. « ­Il y aura des occasions d’acquisition à des conditions beaucoup moins stressantes en 2022 », opine ­Charles ­Brant.

 

Migration et télétravail

Ces occasions risquent toutefois de se trouver plutôt loin des grands centres, particulièrement de l’île de ­Montréal. Les chiffres de l’APCIQ révèlent que de plus en plus de résidents de la région métropolitaine de recensement (RMR) de ­Montréal décident de déménager en banlieue éloignée.

Les résidents du ­Grand ­Montréal ont représenté 25 % des acheteurs de propriété ailleurs au ­Québec entre août 2020 et avril 2021. Au cours de cette période, leur proportion a grimpé de 9 % dans ­Lanaudière et la ­Montérégie, de 8 % en ­Estrie et en Gaspésie ainsi que de 10 % en ­Mauricie. La tendance aura été accélérée par l’arrivée massive du télétravail au sein des entreprises québécoises en raison de la pandémie.

« Étant donné le contexte des prix à ­Montréal, les régions seront les gagnantes en 2022, avec des coûts beaucoup plus abordables, fait remarquer ­Charles ­Brant. De plus en plus de gens se disent qu’ils n’ont pas la capacité financière pour trouver une propriété dans les environs de ­Montréal et cherchent des secteurs plus abordables. »

Les acheteurs devront toutefois scruter attentivement l’endroit où ils désirent s’installer, prévient ­Charles ­Brant. Dans certaines municipalités, un ajout de demande relativement limité peut resserrer rapidement les conditions du marché.

« ­De petits chiffres peuvent avoir de grands effets, note le professeur et directeur de l’École d’urbanisme de l’Université ­McGill, ­Richard ­Shearmur. Mille personnes qui quittent la région montréalaise, c’est environ 0,025 % de sa population. Mais 1000 personnes de plus en ­Gaspésie, c’est une croissance de 11 %. Si dix personnes débarquent dans un village où seulement quatre maisons sont à vendre, il y aura inévitablement de la surenchère. » 

SOURCE: LES AFFAIRES

https://www.lesaffaires.com/mes-finances/immobilier/la-hausse-des-taux-laisse-presager-une-detente-du-marche/631489

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